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 Lettres à une Aurore

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Kham
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Kham
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   Posté le 06-02-2005 à 22:26:00   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   

Lettres à une Aurore - 1

Très Chère Aurore,

Sachant que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, je dois me résoudre à vous offrir ces quelques pensées...

Au sujet de mon amour pour vous, il n’est pas vraisemblable que je me trompe, car j’ai utilisé de toutes les vertus de ma raison pour vous bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux.

Nous conduisons bien sûr nos pensées par diverses voies et ne considérons pas tous les mêmes choses. Cependant il en est une sur laquelle je n’ai point d’hésitation aucune : c’est ce sentiment qui m’habite jusqu’au plus profond de moi-même. Je veux parler de cet amour immense que j’ai pour vous.

Dépasse-t-il le bon sens ou la simple raison ? Je l’ignore. Il me semble cependant raisonnable de penser qu’une réflexion ponctuelle ainsi qu’une forte intuition m’ont guidées à juste titre dans la justesse de mes sentiments.

Je considère qu’un homme amoureux peut très bien avoir de l’esprit bon, mais le principal est encore de l’appliquer bien.
Les plus grandes âmes sont en effet capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus et je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun. J’ai au contraire souvent souhaité avoir la pensée aussi prompte ou l’imagination aussi nette et distincte ou la mémoire aussi ample ou aussi présente que quelques autres. Cependant, je ne craindrai pas de dire que je pense avoir eu beaucoup d’heur de vous avoir rencontrée en certains chemins de raison qui m’ont conduit à des considérations et à des maximes dont j’ai finalement formé ma méthode.
Ma science et mon art vous appartiennent donc un peu, en quelque sorte...

Encore qu’au jugement que je fais de moi-même je tâche toujours de pencher vers le côté de la défiance plutôt que vers celui de la présomption, il ne me semblait pas y avoir de raison acceptable pour ne pas oser vous avouer mes sentiments.

Croyez-le bien. Je ne m’enorgueilli pas de la puissance et de la vérité de cet amour. Je constate simplement qu’il est là, bien présent et que je ne puis concevoir d’espérances en l’avenir que si je l’associe à votre nom. Certains diront qu’il se pourrait que je me trompe, et que ce n’est peut-être qu’un peu de cuivre et de verre que je prends pour de l’or et des diamants. Mais je préfère ne point entendre la voix des sots.

En conséquence, je serais bien aise que vous m’instruisiez de vos propres sentiments à mon égard et que dès lors je prenne coutume de m’en servir pour notre plus grand bien à tous les deux. J’espère que vous saurez gré de ma franchise.

Veuillez excuser cette façon peu courante d’exprimer des sentiments amoureux mais j’ai été nourri aux lettres dès mon enfance et j’ai pris pour habitude de toujours m’exprimer ainsi en toutes circonstances. La poésie a des délicatesses et des douceurs très ravissantes il est vrai, mais je lui préfère sans hésiter l’éclat de mon amour pour vous, et je pourrais au fil des siècles m’en tenir à la seule lecture des secrets de votre âme et de la chaleur de vos désirs et non à celle des livres anciens, de l’histoire et des fables.

Au delà de ma rhétorique certainement austère à vos yeux, j’espère chère Aurore, que vous comprendrez aisément ce que mon cœur attend au plus profond de ses souhaits, et je prie Dieu chaque jour pour que vous en arrivasse aux mêmes conclusions que moi : que l’univers sans vous à mes côtés manquerait tout simplement de charme et de raison.

En attendant de vous lire, je vous présente, chère Aurore, mes sentiments les plus distingués.

René Descartes-Kham


Lettres à une Aurore - 2

Bien chère Aurore,

En ce jour, j’éprouve un sentiment libre d’inquiétude.
Bien que tout parle, que tout me plaît sous ces voûtes tranquilles où je me trouve, ce chèvrefeuille atteint d'un vent léger qui fuit me rappelle que vous semblez m’ignorer, et que je continue de sommeiller à l'ombre de vos ormeaux.

Oh ! Que ne puis-je cependant passer ma vie entière à vos côtés, heureux dans vos sombres détours, en rêvant égaré. Mais cette onde que j'entends murmurer tous mes tourments avec mollesse me dit hélas que de vos charmes, seuls j'entretiens vos déserts. A quel amant pourtant seriez-vous jamais aussi cher ?

Dans cette forêt silencieuse, j’ai déjà peur de traîner sans vous une importune vie, emplie de solitude ; et à côté de ces ruisseaux qui faisaient mon bonheur d’autrefois, je vais devoir étendre mon corps chagrin sans vous à mes côtés.
Si les talents égalaient mes regrets, ces derniers mots n'auraient point de modèle. Ma muse est simple je le sais, et rougissante et nue, et mes pinceaux seuls de la nature épris. Mais le pire c’est que la gloire de notre amour m’échappe et que j’en ignore toujours le prix.

D’ici, d’où je vous écris, je vois ou plutôt j’imagine, de buisson en buisson, voler sans bruit un couple solitaire, dont j'entends, sous l'orme héréditaire, seul, attendri, la dernière chanson. Et je me dis : simples oiseaux, retiendrez-vous la mienne ?

Le temps m'appelle, Aurore. Il me faut finir ma lettre. A cette pensée défaillit mon courage. Ne craignez point que je vous oublie jamais. Oui, j'aimerais ce rivage enchanteur, et aussi ces monts déserts qui rempliraient mon coeur de silence et de mélancolie, mais en votre seule compagnie.

Avant de m’éloigner de votre rêve, laissez-moi vous offrir ces quelques vers issus de ma plume cent fois abandonnée.

Du vent du soir se meurt la voix plaintive
Et mollement l'un à l'autre enchaînés
Les flots calmés expirent sur la rive.
Tout est grandeur, pompe, mystère, amour...

Je vous en conjure, une fois encore, Aurore, ne me laissez point dans l’embarras de ma solitude.
Si un jour sans nouvelle de vous il devait m’arriver le pire, j’espère au moins que le pèlerin assis sur ma tombe inconnue ne rira de ma mort advenue. En réconfort, je sais au moins que jamais un peu de terre ne manquera aux os du fils de l'étranger, qui reposera là, sous l'arc-en-ciel et les fleurs devenues éternelles.

Je vous aime Aurore.

François-René de Châteaubriant-Kham


Lettres à une Aurore - 3


Chère Aurore,

C’est de Florence que je vous écris, et plus précisément de dessous le dôme de la nouvelle cathédrale, tout incrusté de marbre blanc et noir, avec ses fenêtres ornées de colonnes en spirales, de pyramides et de statuettes, ses portes surmontées de sculptures de Jean de Pise qui commença sous le gracieuse invocation de Sainte-Marie-des-Fleurs.

Ce dôme est imposant, c’est un chef-d’œuvre que les tremblements de terre et la foudre ont respecté, et rien n'est beau comme de faire, au clair de la lune, le tour du colosse accroupi au milieu de sa vaste place comme un lion gigantesque.

J’aimerais aussi vous parler de deux monuments : l'un peint sur la muraille par Paolo Uccello, l'autre exécuté en relief par Jacques Orgagna, et représentant les deux plus grands capitaines qu'ait eus à sa solde la république Florentine. La fresque est consacrée à Jean Aucud, célèbre condottiere anglais, qui passa du service de Pise à celui de Florence. Le bas-relief représente Pierre Farnèse, le général florentin, qui, élu le 27 mars 1363, gagna la même année, sur les Pisans, la célèbre bataille de San-Piero.

Mais je reviens à mes préoccupations premières.

La seule paix que je souhaite depuis que je suis ici est celle que je pourrais trouver dans vos bras, car, peut-être feignez-vous de l’ignorer, mais sans vous je vis comme une guerre intérieure et je reste souvent prostré de longues heures comme prisonnier de cette souffrance qui m’est infligée par la distance qui nous sépare.

Comme Dante qui naquit, comme vous le savez, en 1265, la cinquième année de la réaction gibeline, mon amour pour vous n’est point une Divine Comédie.
Dante était un de ces hommes qui se donnent corps et âme lorsqu'ils se donnent. Il en est de même pour moi lorsque je me laisse aller à mes fougues secrètes. La Divine Comédie est l'oeuvre de la vengeance. Dante y tailla sa plume avec son épée. J’utiliserai la mienne à nulle autre fin de vous plaire. Mais avant de partir à la hâte, je me suis posé cette question : Si je reste, qui ira ? Si je vais, qui restera ?

Je me suis aussi promis de vous offrir dès mon retour des valets et une table splendide. Des bouffons, des musiciens et des joueurs de gobelets parcourront aussi nos appartements. Et je vous le dis : la reine de ces lieux n'aura pas rallumé cinquante fois son visage nocturne, qu’elle apprendra par elle-même tous les vertiges de l’amour.

Ces mots, chère Aurore, je les écrits avec les larmes des yeux et le sang du coeur. Et sans vous je préférerais rester pour toujours à la porte de cette cathédrale, les pieds nus, vêtu de la robe de pénitent, et les reins ceints d'une corde.

Je suivrai simplement les étoiles pour vous retrouver. Le soleil et les étoiles se voient par toute la terre, et par toute la terre on peut méditer les vérités du ciel.
Mais ce ciel maintenant s’assombrit, et je distingue à peine mes mots. Je vous laisse donc à vos illustres occupations et m’empresse déjà de vous revoir très bientôt.

Je vous embrasse,

Alexandre Dumas - Kham


Lettres à une Aurore - 4



Chère Aurore,

Je vous écris cette fois de Besançon dont j’aperçois les murs noirs de la citadelle.

Quelle différence pour moi si j’arrivais dans cette noble ville de guerre pour être sous-lieutenant dans un des régiments chargés pour la défendre ! Besançon n’est pas seulement une des plus jolies villes de France, elle abonde en gens de cœur et d’esprit. Mais comme vous le savez je ne suis au fond qu’un petit paysan et je n’ai aucun moyen d’approcher les hommes distingués.

Avant de passer les ponts-levis je suis venu boire un bon café sur le boulevard. Je me suis attablé dans une salle longue de trente ou quarante pas, et dont le plafond est élevé de vingt pieds au moins. De ma chemise j’ai ressorti la mèche de vos cheveux que je garde toujours précieusement sur moi.
A chaque fois, j’en reste immobile d’admiration.

Ces cheveux j’en suis certain sont ceux d’un ange. Je ne peux en croire mes yeux. Tout est enchantement pour moi lorsque je les palpe de mes doigts. Ils donnent vie à votre visage que je vois apparaître au travers des flots de fumée de tabac et qui l’enveloppe d’un nuage bleu. Je songe alors à l’immensité et à la magnificence de vos yeux bleus fort tendres.

En cet instant je suis pensif. Mes souvenirs agitent votre beauté blonde et gaie et l’idée de ma passion pour vous. Et du sourire caressant de ma timidité heureuse je vous enveloppe moi aussi d’un nuage de tendresse.

Il faut que je vous dise la vérité. A force de timidité vaincue je vous écris pour vous l’avouer. Je vous aime de tout mon cœur ma chère Aurore ! Et lorsque je pense à vous, toutes mes idées changent...

Je vous écris mon adresse sur cette lettre. N’ayez crainte de me répondre hardiment.

Si vous me l’autorisez je passerai un jour chez vous avec un bouquet de violettes à la main . Et c’est un bon dîner que je me ferais un plaisir de vous offrir.

Je dois vous avouer que je rougis beaucoup en vous l’avouant mais je sens que je vous aime de l’amour le plus violent. Vous excuserez j’espère la naïveté de mes manières, mais si je n’avais pas osé, j’aurais conquis un grand remord.

Rappelez-vous donc, ma chère Aurore, que vous trouverez toujours en moi votre meilleur ami.

Avec toute ma tendresse,

Stendhal-Kham


Lettres à une Aurore - 5

Chère Aurore,


Je vous écris de Yonville-l’Abbaye, un bourg situé à huit lieues de Rouen, où je viens de m’établir pour quelques temps.

Je dois vous l’avouer. J'ai aujourd’hui le regard penché sur les mousses de moisissure de l'âme. J'ai passé une mauvaise semaine ; je me sens par moments stérile comme une vieille bûche. J'avais à faire cette lettre. Or écrire est une chose qui m'est très fastidieuse. Quelle chienne de chose que la prose ! Ça n'est jamais fini ; il y a toujours à refaire !

Je l’ai donc écrite comme un homme qui jouerait du piano avec des balles de plomb sur chaque phalange.
Vous confier l'enchaînement de mes sentiments envers vous me donne un mal de chien, et je crains fort que cette lettre ne m’entraîne au milieu du frémissement des phrases et du bouillonnement des métaphores.

Une âme se mesure à la dimension de son désir, comme on juge d'avance des cathédrales à la hauteur de leurs clochers. On porte vingt ans une passion sommeillante qui n'agit qu'un seul jour et meurt. Mais la proportion esthétique n'est pas la psychologique. Mouler la vie, est-ce l'idéaliser ? Tant pis, si le moule est de bronze ! C'est déjà quelque chose ; tâchons qu'il soit de bronze.

J'ai passé deux exécrables journées, samedi et hier. Il m'a été impossible de vous écrire une ligne. Ce que j'ai juré, gâché de papier et trépigné de rage, est impossible à savoir. J'avais à peindre des états tristes, des pensées amères.
Je ne peux en effet m'imaginer le bonheur sans vous, et je reste là devant, froid comme un marbre et bête comme une bûche.

Heureusement aujourd'hui, je me suis promené à cheval dans une forêt, et j'étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu'ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s'entre fermer leurs paupières noyées d'amour, de cet amour que j’ai pour vous bien chère Aurore.

Si vous me connaissiez davantage, vous sauriez que j'ai la vie ordinaire en exécration. Je m'en suis toujours, personnellement, écarté autant que j'ai pu. Mais esthétiquement j'ai voulu, cette fois, et rien que cette fois, la pratiquer à fond. Aussi ai-je pris la chose d'une manière héroïque, j'entends minutieuse, en acceptant tout, en vous disant tout, en vous peignant tout.

J’ai en cet instant comme le goût de l'arsenic dans la bouche, mon désespoir de me sentir aimé par vous est grand, mais c’est ainsi, je dois pouvoir l’accepter.

J'ai relu cette lettre avant-hier, avant de vous l’envoyer. J’ai hésité longtemps à la poster. Pardonnez-moi son ton douloureux, mais il me fallait l’emprunter pour que vous sachiez vraiment où mes sentiments meurtris m’ont relégués.

Je vous embrasse,

Gustave Flaubert-Kham


Lettres à une Aurore - 6

Ma douce Aurore,

Je vous écris de mon vieux moulin que j'ai retrouvé et dont la porte était restée fermée bien trop longtemps. Les murs et la plate-forme alentours sont envahis par les herbes. Mais je m'emploierai à les rendre dignes de votre prochaine venue.

Quelqu'un de très étonné de mon retour en ces lieux fut le locataire du premier : un vieux hibou sinistre, à la tête de penseur, qui habite le moulin depuis plus de vingt ans. Je l'ai trouvé comme toujours dans la chambre du haut, immobile et droit sur l'arbre de couche, au milieu des plâtras et des tuiles tombées. Il m'a regardé un moment avec son oeil rond ; puis, lorsqu'il m'eût reconnu, il s'est mis à faire : " hou ! hou ! " et à secouer péniblement ses ailes grises de poussière. Ces diables de penseurs, ça ne se brosse jamais ! N'importe ! tel qu'il est, avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît encore mieux qu'un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail !

Mon ami garde comme dans le passé tout le haut du moulin avec une entrée par le toit ; moi je me réserve la pièce du bas, une petite pièce blanchie à la chaux, basse et voûtée comme un réfectoire de couvent, mais tellement agréable. C'est dans cette pièce-là que je vous attends désormais. Et si vous acceptez d'y venir loger, vous verrez qu'on y est bien à l'abri du vent.

Un joli bois de pins tout étincelant de lumière dégringole devant chez moi jusqu'au bas de la côte. À l'horizon, les Alpilles découpent leurs crêtes fines. Tout ce beau paysage provençal ne vit que par la lumière et il vous charmera.

Je suis si heureux d'avoir retrouvé mon vieux moulin ! Il va sans dire qu'avec vous je m'y sentirais encore bien mieux. Là, mon bonheur serait parfait et sans égal. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous inviter à bien vouloir m'y rejoindre. J'ai déjà une folle envie de vous faire visiter ce petit coin de paradis chaud et parfumé.

Le portail vous attend, ouvert à deux battants; les bergeries sont pleines de paille fraîche. C'est vous dire comme nous y serons bien.

J'ai demandé à Francet Mamai, un vieux joueur de fifre du coin, de vous faire parvenir cette lettre. C'est un ami de longue date qui vient de temps en temps faire la veillée chez moi, en buvant du vin cuit. Je préfère personnellement le vin frais de mon cellier. Je vous ai d'ailleurs réservé un de mes meilleurs crû pour fêter votre venue.

Vous verrez comme tout est beau ici. Tout autour du village, les collines sont encore couvertes de moulins à vent. De droite et de gauche, on ne voit que des ailes qui virent au mistral par-dessus les pins. Le coin vous émerveillera, j'en suis certain.

Si vous venez jusqu'ici, vous logerez avec moi, à mes côtés, ainsi nous aurons l'occasion d'observer ensemble la douce lueur de la lune juste avant de nous endormir.

Vous trouverez facilement l'endroit. Vous n'avez qu'à demander où se trouve le moulin de maître Cornille. C'est lui qui habitait ici avant moi et tout le monde dans ce pays sait où se trouve ce moulin charmant qui est désormais le mien... et un jour prochain le vôtre aussi, si vous le voulez bien.

Au plaisir de vous y accueillir,

Alphonse Daudet-Kham
Meluzine
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Meluzine
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   Posté le 08-02-2005 à 17:12:08   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mon cher Alphonse,

Je serais très heureuse de partager quelques instants de votre vie.
Il ne dépend que de moi d'envisager un prochain départ, mais je ne suis pas prête encore...

Il vous faudra continuer à patienter, dans votre beau moulin isolé.
Quand la lavande sera fleurie et que les abeilles donneront du miel, je viendrai avec ma chèvre blanchette briser votre solitude.
Nous prendrons le temps de vivre sans penser à demain.
Je goûterai au bon vin de votre cellier et au pain encore tiède, à la croûte légèrement dorée et croustillante.

Vous m'emmènerez dans les collines, à la découverte de quelque source mystérieuse.
Nous nous coucherons dans l'herbe sauvage, à l'ombre d'un olivier.
Je fermerai les yeux, une légère brise fera bouger mes longs cheveux, vous me regarderez dormir...

Je vous laisse imaginer la suite de mon récit. Je suis encore trop sage pour vous dévoiler mes pensées les plus secrètes.
Vous saurez avec le temps me donner la confiance qu'il me manque encore.

Votre Aurore
Kham
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Kham
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   Posté le 08-02-2005 à 18:36:39   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   




Bien chère Aurore,

J'ai rangé les sacs de farine bien contre le mur et invité les araignées à rejoindre les parties les plus inaccessibles de mon logis. Reste cette odeur chaude de froment écrasé qui continue d'embaumer l'air de mon moulin, mais je suis sûr qu'elle ne vous déplaira pas, pas plus qu'elle ne déplaît à mon honorable chat qui passe ses journées le corps allongé sur l'arbre de couche.

Mon moulin est donc prêt à vous protéger de ses ailes, et mon regard se porte déjà au loin, au delà de la vigne et des oliviers, afin d'y deviner les présages de votre prochaine venue en ce lieu.

Un grand bonjour du pays de Tarascon.

Alphonse Daudet-Kham

Message édité le 08-02-2005 à 18:37:53 par Kham

Message édité le 08-02-2005 à 18:39:55 par Kham

Message édité le 09-02-2005 à 11:10:45 par Kham
Meluzine
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   Posté le 09-02-2005 à 11:05:00   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mon cher Alphonse,

Quand la vigne aura déployé ses larges feuilles et que ses grappes seront en formation, vous n'aurez plus longtemps à m'attendre.
Comme la source qui débouche de nulle part, j'apparaîtrai au détour du sentier un panier sous le bras.
J'aurai pris soin de cueillir sur mon chemin une multitude de plantes arômatiques pour vous confectionner une soupe aux herbes sauvages. Je vous laisse le soin d'y ajouter une poignée de croutons...

Au coucher du soleil, je m'installerai confortablement, le dos soutenu par un sac de grains, le chat blottit sur mes genoux ronronnant de plaisir sous mes douces caresses.
Vous le savez, j'ai gardé mon âme d'enfant, et j'aime écouter vos histoires.
Pour rien au monde, je ne manquerais ces instants magiques...

J'ai bien du mal à contenir mon impatience, mais l'hiver est loin d'être terminé et il ne m'est pas possible de vous rejoindre, mon bien-aimé.

Mes amitiés à Tartarin, et à bientôt,

Votre Aurore
Kham
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Kham
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   Posté le 09-02-2005 à 13:57:41   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   



Bien chère Aurore,

Peut-être ne le saviez-vous pas mais le pays de Tarascon est bien désert : ses terriers sont vides et les nids abandonnés. Pas un merle, pas une caille, pas le moindre lapereau, pas le plus petit cul-blanc. Tant pis pour les chasseurs, de toute façon toujours trop nombreux à mon goût. Heureusement les collines tarasconnaises sont néanmoins jolies et bien tentantes, toutes parfumées de myrte, de lavande, de romarin, et ces beaux raisins muscats gonflés de sucre, qui s' échelonnent au bord du Rhône, sont diablement appétissants aussi.

Tarascon est donc très mal noté. Les oiseaux de passage eux-mêmes l'ont marqué d'une grande croix sur leurs feuilles de route, et quand les canards sauvages, descendant vers la Camargue en longs triangles, aperçoivent de loin les clochers de la ville, celui qui est en tête se met à crier bien fort : " voilà Tarascon ! ... voilà Tarascon ! " et toute la bande fait un crochet !

Tout ceci pour vous dire que la région risque de bien vous surprendre.

Bien affectueusement,

Alphonse Daudet-Kham

P.S. Ci-joint une vue d'un château-fort de la région. Du sommet de la tour ronde on a une vue magnifique sur la ville de Foix et les Pyrénées...

Message édité le 09-02-2005 à 13:59:08 par Kham
Meluzine
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Meluzine
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   Posté le 09-02-2005 à 15:15:04   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Bien cher Alphonse,

Je me contenterai du joli paysage et j'ose espérer que vous m'emmènerez au sommet de la tour ronde, que je puisse y admirer la vue magnifique...

Tartarin m'a dit avoir aperçu un couple de bartavelles non loin de chez lui. Mais comme il raconte souvent des histoires, je me demande si je dois le croire !
Votre chat doit être bien triste sans ses amis les oiseaux.
Quelques miettes de votre pain auront tôt fait de les attirer et les chasseurs n'auront qu'à bien se tenir et passer leur chemin.

La solitude ne me fait pas peur, je suis une fervente de la paix et de la tranquilité.
Le chant des cigales me suffira.
J'imagine l'odeur du thym et du serpolet qui parfumeront le poisson fraîchement pêché à la rivière.
Et celle de la lavande pour garder la fraîcheur du linge...

Plus rien ne pourra me surprendre, la vie d'ermite ne serait pas pour me déplaire.

Bien tendrement,

Votre Aurore
Kham
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Kham
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   Posté le 09-02-2005 à 15:48:20   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   

Bien chère Aurore,

Me voilà arrivé tout fourbu dans la petite ville de Quiquendone.

Si vous cherchez cette ville sur une carte des Flandres, ancienne ou moderne, il est probable que vous ne l'y trouverez pas. Ni les atlas, ni les guides, ni les itinéraires n'en parlent, et Monsieur Joanne lui-même, le perspicace dénicheur de bourgades, n'en dit pas un mot.

On conçoit combien ce silence doit nuire au commerce, à l'industrie de cette ville. Mais je me hâterais d'ajouter que Quiquendone n'a ni industrie ni commerce, et qu'elle s'en passe le mieux du monde!

Donc cette ville existe bien, et cela depuis huit à neuf cents ans!

Quiquedone compte à ce jour deux mille trois cent quatre-vingt-treize âmes, en admettant une âme par chaque habitant. Et pourtant, cette ville, comme je l'ai dit, ne figure pas sur la carte des Flandres. Est-ce oubli des géographes, est-ce omission volontaire? Je ne puis vous dire, mais Quiquendone existe bien pourtant avec ses rues étroites, son enceinte fortifiée, ses maisons espagnoles, sa halle et son bourgmestre, et elle a été récemment le théâtre de phénomènes surprenants, extraordinaires, invraisemblables autant que véridiques.

Les étrangers, s'il en est jamais venu à Quiquendone - à part moi - ne quittent point cette curieuse ville dit-on sans avoir goûté ses bonnes crèmes fouettées et ses sucres d'orge fabriqués de père en fils depuis plusieurs siècles par la famille van Tricasse dont la devise est: «L'homme qui meurt sans s'être jamais décidé à rien pendant sa vie est bien près d'avoir atteint la perfection en ce monde!»

Que cette ville est étrange et ses habitants tout autant!

Les Quiquendoniens n'ont besoin de personne. Leurs désirs sont restreints, leur existence modeste. Ils sont calmes, modérés, froids, flegmatiques, en un mot «flamands à l'ancienne», comme il s'en rencontre encore entre l'Escaut et la mer du Nord.

Le bourgmestre m'a cordialement autorisé à disposer d'une chambre accueillante dans sa belle demeure. Pour l'instant je n'ai pour seule compagnie que cet homme discret ainsi que celle de sa fille qu'il vient de me présenter. C'est une jeune fille blonde qui porte de longues tresses, et qui s'appelle Suzel. D'habitude lorsqu'elle est là, elle ne prononce aucune parole et disparaît très vite, sans que sa sortie produise plus de bruit que son entrée.

Mais laissez-moi vous décrire un peu ma chambre. Elle est richement ornée de sculptures en bois sombre et d'une haute cheminée. Elle possède un vaste foyer dans lequel pourrait brûler un chêne ou rôtir un boeuf. Ce foyer occupe tout un pan du mur et fait face à une fenêtre à treillis dont les vitraux peinturlurés tamisent doucement les rayons du jour. Au-dessus de la cheminée, dans un cadre antique, apparaît le portrait d'un bonhomme quelconque, attribué à Hemling, qui représente selon moi un ancêtre des van Tricasse.

Un couvent de chartreux ou un établissement de sourds-muets ne serait pas plus silencieux que cette habitation! Le bruit n'y existe pas! On n'y marche pas, on y glisse; on n'y parle pas, on y murmure...

Le bourgmestre n'est ni gras ni maigre, ni petit ni grand, ni vieux ni jeune, ni coloré ni pâle, ni gai ni triste, ni content ni ennuyé, ni énergique ni mou, ni fier ni humble, ni bon ni méchant, ni généreux ni avare, ni brave ni poltron, ni trop ni trop peu - ne quid nimis - c'est un homme modéré en tout, mais à la lenteur invariable de ses mouvements, à sa mâchoire inférieure un peu pendante, à sa paupière supérieure immuablement relevée, à son front uni comme une plaque de cuivre jaune et sans une ride, à ses muscles peu saillants, un physionomiste reconnaîtrait sans peine qu'il est le flegme personnifié.

Il est invariablement vêtu de bons habits, ni trop larges ni trop étroits, qu'il ne parvient pas à user et il est chaussé de gros souliers carrés à triple semelle et à boucles d'argent, qui, par leur durée, doivent faire le désespoir de son cordonnier. Il est aussi coiffé d'un large chapeau qui doit dater de l'époque à laquelle la Flandre fut séparée de la Hollande! Mais que voulez-vous? Ce sont les passions qui usent le corps aussi bien que l'âme, les habits aussi bien que le corps, et cet homme apathique, indolent, indifférent, ne semble passionné en rien. Il n'use pas et ne s'use pas. Et par cela même il se trouve précisément l'homme qu'il fallait pour administrer cette cité flamande de Quiquendone et ses tranquilles habitants.

Je vous laisse Aurore et je vous embrasse. Le bourgmestre et sa fille muette m'attendent à table. Ils viennent je crois de préparer un "stoemp".

Jules Vernes-Kham
Kham
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Kham
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   Posté le 10-02-2005 à 14:35:08   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   

Chère Aurore,

Que ceux qui nient la sympathie des âmes expliquent, s'ils peuvent, comment, de la première entrevue, du premier mot, du premier regard, vous m’avez inspiré non seulement le plus vif attachement, mais une confiance parfaite et qui ne s'est jamais démentie.
Comment, en approchant pour la première fois d'une femme aimable, polie, éblouissante comme vous l’êtes, comment, dis-je, me trouvai-je à l'instant aussi libre, aussi à mon aise que si j'eusse été parfaitement sûr de vous plaire ?

Comment n'eus-je pas un moment d'embarras, de timidité, de gêne ?

Naturellement honteux, décontenancé, n'ayant jamais vu le monde, comment pris-je avec vous, du premier jour, du premier instant les manières faciles, le langage tendre, le ton familier?

D’habitude je suis très peu entreprenant près des femmes, faute d'oser tout dire ou de pouvoir tout faire. J'ai ainsi passé ma vie à convoiter et me taire auprès des personnes que j'appréciais. Être aux genoux d'une maîtresse impérieuse, obéir à ses ordres, avoir des pardons à lui demander, semblaient pour moi de très douces jouissances, et plus ma vive imagination m'enflammait le sang, plus j'avais l'air d'un amant transi.
On conçoit que cette manière de faire l'amour n'amène pas des progrès bien rapides, et n'est pas fort dangereuse à la vertu de celles qui en sont l'objet. J'ai donc fort peu possédé, mais je n'ai pas laissé de jouir beaucoup à ma manière, c'est-à-dire par l'imagination. Voilà comment mes sens, d'accord avec mon humeur timide et mon esprit romanesque, m'ont conservé des sentiments purs et des mœurs honnêtes, par les mêmes goûts qui peut-être, avec un peu plus d'effronterie, m'auraient plongé dans les plus brutales voluptés.

Aujourd’hui j'oserai le dire : qui ne sent que l'amour ne sent pas ce qu'il y a de plus doux dans la vie. Je connais un autre sentiment, moins impétueux peut-être, mais plus délicieux mille fois, qui quelquefois est joint à l'amour et qui souvent en est séparé. Ce sentiment n'est pas non plus l'amitié seule : il est plus voluptueux, plus tendre : je n'imagine pas qu'il puisse agir pour quelqu'un du même sexe : du moins je ne l'éprouvai jamais près d'aucun de mes amis.

J'ai toujours aimé trop sincèrement, trop parfaitement, j'ose dire, pour pouvoir aisément être heureux, mais jamais passions ne furent en même temps plus vives et plus pures que les miennes, jamais amour ne fut plus tendre, plus vrai, plus désintéressé que celui que j’entretiens pour vous dans mes pensées.

Votre image d’aimable femme est empreinte au fond de mon cœur en traits charmants. Elle s'y est même embellie à mesure que j'ai mieux connu le monde car il n'y a point de jouissances pareilles à celles que peut donner une honnête femme qu'on aime : tout est faveur auprès d'elle.

Devant vous il m’arrive aussi d’être embarrassé, tremblant ; je n'ose alors vous regarder, je n'ose respirer et je crains plus que la mort de m'éloigner de vous. A force de vous regarder mes yeux se troublent, ma poitrine s'oppresse, ma respiration, d'instant en instant plus embarrassée, me donne beaucoup de peine à gouverner.

J'ai à vrai dire au fond de moi des passions très ardentes, et tandis qu'elles m'agitent, rien n'égale mon impétuosité: je ne connais plus ni ménagement, ni respect, ni crainte, ni bienséance; je suis cynique, effronté, violent, intrépide; il n'y a ni honte qui m'arrête, ni danger qui m'effraye: hors le seul objet qui m'occupe, l'univers n'est plus rien pour moi. Mais tout cela ne dure qu'un moment, et le moment qui suit me jette dans l'anéantissement. Prenez-moi dans le calme, je suis l'indolence et la timidité même: tout m'effarouche, tout me rebute; une mouche en volant me fait peur; un mot à dire, un geste à faire épouvante ma paresse; la crainte et la honte me subjuguent à tel point que je voudrais m'éclipser aux yeux de tous les mortels. S'il faut agir, je ne sais que faire; s'il faut parler, je ne sais que dire; si l'on me regarde, je suis décontenancé. Quand je me passionne, je sais trouver quelquefois ce que j'ai à dire; mais dans les entretiens ordinaires, je ne trouve rien, rien du tout; ils me sont insupportables par cela seul que je suis obligé de parler.

Ajoutez qu'aucun de mes goûts dominants ne consiste en choses qui s'achètent. Il ne me faut que des plaisirs purs, et l'argent les empoisonne tous. Des femmes à prix d'argent perdraient pour moi tous leurs charmes; je doute même s'il serait en moi d'en profiter. Il en est ainsi de tous les plaisirs à ma portée; s'ils ne sont gratuits, je les trouve insipides. J'aime les seuls biens qui ne sont à personne qu'au premier qui sait les goûter.

De là vient l'extrême difficulté que je trouve à écrire. Mes manuscrits, raturés, barbouillés, mêlés, indéchiffrables, attestent la peine qu'ils m'ont coûtée. Je n'ai jamais pu rien faire la plume à la main vis-à-vis d'une table et de mon papier : c'est à la promenade, au milieu des rochers et des bois, c'est la nuit dans mon lit, et durant mes insomnies, que j'écris dans mon cerveau ; l'on peut juger avec quelle lenteur, surtout pour un homme absolument dépourvu de mémoire verbale, et qui de la vie n'a pu retenir six vers par cœur. Il y a telle de mes périodes que j'ai tournée et retournée cinq ou six nuits dans ma tête avant qu'elle fût en état d'être mise sur le papier. De là vient encore que je réussis mieux aux ouvrages qui demandent du travail qu'à ceux qui veulent être faits avec une certaine légèreté, comme les lettres, genre dont je n'ai jamais pu prendre le ton, et dont l'occupation me met au supplice. Je n'écris point de lettres sur les moindres sujets qui ne me coûtent des heures de fatigue, ou, si je veux écrire de suite ce qui me vient, je ne sais ni commencer ni finir ; ma lettre est un long et confus verbiage ; à peine m'entend-on quand on la lit.

Ma chère Aurore, nos séparations ne se font jamais sans larmes, et il est singulier dans quel vide accablant je me sens plongé après vous avoir quittée. Tous mes sens sont bouleversés, les palpitations m'étouffent, et ma passion de vous est telle que si vous m’ordonniez de me jeter dans les flammes, je crois qu'à l'instant j'obéirais.

Mes souvenirs de nos échanges renaissent sans fin et se gravent dans ma mémoire avec des traits dont le charme et la force augmentent de jour en jour; comme si, sentant déjà la vie qui s'échappe, je cherchais à la ressaisir par ses commencements. Je me rappelle toutes les circonstances des lieux, des personnes, des heures dont nous avons parlé. Je vois une hirondelle entrant par la fenêtre, une mouche se poser sur ma main tandis que je vous écoutais.

Loin de vous, la campagne même perd à mes yeux cet attrait de douceur et de simplicité qui va au cœur. Elle me semble déserte et sombre; comme couverte d'un voile qui m’en cache les beautés.

Voilà chère Aurore, je sais bien que vous n'avez pas grand besoin de savoir tout cela, mais j'avais besoin, moi, de vous le dire. J'ai fait le premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions. Ce n'est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux. Dès à présent je suis sûr de moi: après ce que je viens d'oser dire, rien ne pourra plus m'arrêter et l’on pourra bien juger de ce qu'ont pu me coûter de semblables aveux, cela m’indiffère. Seul compte à mes yeux mon immense amour pour vous.

Avec tendresse,

Jean-Jacques Rousseau-Kham
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   Posté le 10-02-2005 à 22:36:39   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mon cher Jean-Jacques,

Je vous avoue ma surprise ! Nul ne m'avait encore tiré des larmes de mes yeux.
Vous avez su pénétrer mon coeur avec vos mots passionnés.
Une telle lettre n'est pas pour me déplaire, mais j'étais à cent lieues d'imaginer qu'un homme aussi sensible que vous l'êtes, aurait pu s'attarder sur la personne insignifiante que je suis.
Je voudrais vous combler de mon amour, tel que vous le méritez, pourtant je me sens pétrifiée.
Est-ce la peur de vous décevoir ou par timidité, je ne le sais.
Depuis que je connais vos sentiments, mes pensées n'ont de cesse d'aller vers vous.
La nuit, je ne puis que difficilement dormir, le jour, je ne mange plus.
Votre présence me hante, je suis à vous dans mes rêves, je vous appelle...

Dans votre silence, je vous entends parler. Une voix douce et tendre qui me fait frissonner.
L'envie me vient de vous aimer simplement en laissant mes sens me guider.
Jamais je n'ai ressenti de l'attirance pour qui que ce soit.
Je veux pouvoir vous donner ce qu'une femme a de plus précieux.
Vous avez animé la flamme qui dormait en moi et vous avez le pouvoir de m'amener à l'extase.

Je m'attends à un geste de votre part qui nous rapprocherait pour nous amener à la volupté.
Je vous suis reconnaissante d'avoir éveillé en moi un désir inassouvi.

Je vous aime,

Aurore
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   Posté le 20-02-2005 à 11:18:04   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   

Chère Aurore,

Je vous écris parce que je m'ennuie abominablement !

Je viens de passer une dizaine de jours en mer, et voilà pourquoi je ne vous ai point donné de mes nouvelles plus tôt. Me voici revenu à Paris pour quelques semaines, avant de m'éloigner pour l'été.

Une pensée me vient soudain. Vous vous demandez peut-être quel est mon peintre favori parmi les modernes ? Millet. Mais je vous préfère sans nul doute à tous les arts, et j'estime que lorsqu'on a une bonne passion, une passion capitale, il faut lui laisser toute la place, lui sacrifier toutes les autres.

J'avais deux passions. Il fallait en sacrifier une - j'ai un peu sacrifié la gourmandise. Je suis devenu sobre comme un chameau, mais difficile à ne plus savoir quoi manger. Il ne me reste maintenant que ma seule passion de vous, pleine et totale.

Je n'ai pas pour un sou de poésie. Je prends tout avec indifférence et je passe les deux tiers de mon temps à m'ennuyer profondément. J'occupe le troisième tiers à écrire des lignes que je vends le plus cher possible en me désolant d'être obligé de faire ce métier abominable qui m'a valu l'honneur d'être distingué !

Je crois bien que je vais encore quitter Paris, je m'y ennuie décidément plus encore qu'ailleurs. Je vais aller à Étretat, pour changer, en profitant du moment où je vais m'y trouver seul.

J'aime immodérément être seul. De cette façon au moins, je m'embête sans parler. D'ailleurs sans le bonheur de votre présence tout m'est à peu près égal dans la vie : hommes, femmes et événements.

Voilà ma vraie profession de foi ; et j'ajoute, ce que vous ne croirez pas, que je ne tiens pas plus à moi qu'aux autres. Tout se divise en ennui, farce et misère.
En somme je ne tiens qu'à une seule chose au monde : à vous.

J'ai toujours eu, malgré moi, une grande méfiance de tout mystère, de l'inconnue et des inconnues, mais bizarrement non point de vous, même si j'ignore encore de quelle nature vous pouvez être lorsque vous restez muette. On sait en effet plus de choses sur quelqu'un en l'écoutant parler cinq minutes qu'en lui écrivant pendant dix ans.

Le mystère peut-il ajouter au charme des relations par lettres ? Toute la douceur des affections entre homme et femme (j'entends des affections chastes) ne vient-elle pas surtout du plaisir de se voir, et de causer en se regardant ? Je prends plaisir néanmoins de vous imaginer me lisant, les traits de votre visage flottant entre vos yeux et cette lettre.

En somme, je suis un niais qui aime une femme charmante et qui serait heureux de baiser ses mains chaque jour. Niais, j'ai été pris à des pièges ridicules. Un pensionnat de jeunes filles a entretenu avec moi une correspondance par la plume d'une sous-maîtresse. On se passait mes réponses de main en main pendant les classes. La ruse était drôle et m'a fait rire quand je l'ai sue - par la sous-maîtresse elle-même.

Voilà bien des confidences. Qu'en dites vous ?

Je vous baise les mains, Aurore, et je n'attends que de vous voir, ici ou ailleurs.

P.S. Pardon pour les ratures de ma lettre, je ne puis écrire sans en faire et je n'ai point le temps de me recopier.

Guy de Maupassant- Kham
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   Posté le 20-02-2005 à 14:13:51   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mon cher Guy,

Puisque la ville vous ennuie, pourquoi ne pas tenter un séjour à la campagne ?
Vous pourriez y admirer les glaneuses, capturer les effluves de l'orge fraîchement coupé, vous installer dans le paysage pour y trouver l'inspiration.
Les scènes de la vie de province ne seront pas, j'en suis sûre, pour vous déplaire...
De la soupe, des pommes de terre et du grand air, quoi demander de mieux ?

Tant de pensées inexplorées, refoulées, désolées, qui vous gonflent, vous empoisonnent comme la bile chez les bilieux.
Si vous pouviez un jour les expectorer, alors, elles s'évaporeraient peut-être, et vous ne trouveriez plus en vous, qu'un coeur léger, joyeux, qui sait ?
Penser devient un tourment abominable quand la cervelle n'est qu'une plaie.
Vous avez tant de meurtrissures dans la tête que vos idées ne peuvent remuer sans vous donner l'envie de crier.

Je crois que vous avez un pauvre coeur orgueilleux et honteux, un coeur humain, ce vieux coeur humain dont on rit, mais qui s'émeut et fait mal.
Et dans la tête aussi, vous avez l'âme des Latins qui est très usée.

Il y a des jours où vous ne pensez pas comme ça, mais où vous souffrez tout de même, car vous êtes de la famille des écorchés.
Vous ne le dites pas, vous ne le montrez pas, vous le dissimulez même très bien.
Mais moi, Aurore, j'ai pu vous deviner, car je vous aime.
Vous n'êtes pas l'homme le plus indifférent du monde, ne vous cachez pas, vous n'êtes pas grotesque.

Par pudeur, vous cachez la plupart de vos sentiments véritables, et cette excessive discrétion m'a presque empêché de vous connaître.
Laissez sortir tout ce que vous sentez au fond de vous, laissez vous aller à la passion, celle qui rend fou.

Je sais me taire quand besoin s'en faut, et vous pourrez écouter mon silence.
Nul besoin de parler pour me connaître, mes yeux parlent d'eux-mêmes.

J'espère bientôt vous croiser au détour de quelque chemin.
Je vous laisserai baiser mes mains, nous pourrons continuer la promenade, je partagerai votre temps.

Votre mystérieuse Aurore
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   Posté le 21-02-2005 à 13:49:18   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   

Ma douce Aurore,

Ce soir ma rue est déserte. Il n'y a presque plus personne, sauf un cocher qui dort sur ses drojkis.

Je vis actuellement en location, au quatrième étage. Ma chambre est pauvre et petite, avec une fenêtre de grenier, en demi-cintre. J'ai un divan couvert de toile cirée, un bureau sur lequel il y a des livres, deux chaises, et un fauteuil profond, d'une vieillesse insigne, mais c'est un fauteuil Voltaire.

Pour vous écrire, je viens d'allumer une bougie. A côté, dans l'autre chambre, derrière la cloison, la débauche continue. Cela fait deux jours qu'ils n'arrêtent pas. La pièce est occupée par un capitaine à la retraite, et il a des invités - cinq ou six bons à rien qui boivent de la vodka et jouent au stoss avec des cartes usées. La nuit d'avant, il y a eu une bagarre, et je sais que deux d'entre-eux se sont longuement traînés par la tignasse. La logeuse voulait se plaindre, mais elle a une peur bleue du capitaine.

Comme autres locataires dans nos meublés, il n'y a qu'une petite dame malingre et frêle, une femme de soldat, une provinciale, avec trois petits enfants, et qui sont tous tombés malades dans nos meublés. Ses enfants et elle ont peur du capitaine à s'en évanouir, ils passent la nuit à trembler et se signer, et, même, le plus petit, de peur, a fait une espèce de crise. Ce capitaine, je le sais de source sûre, il lui arrive d'arrêter les passants sur le Nevski et de demander l'aumône. On ne veut de lui à aucun poste, mais, chose étrange, c'est bien pour cela que je le raconte, depuis un mois qu'il vit chez nous, ce capitaine ne m'a jamais énervé le moins du monde.

Toutes les nuits je reste dans mon fauteuil, et, réellement, je ne les entends pas - tellement je les oublie. Parce que, toutes les nuits, oserai-je vous le dire, je ne dors pas, je pense à vous, jusqu'à l'aube, et voilà déjà un an que ça dure. Je passe donc mes nuits devant mon bureau, et je ne fais rien, si ce n'est rêver de vous et vous parler dans mes rêves.

Les rêves, les vrais, on le sait, sont des phénomènes extrêmement étranges : telle chose apparaît avec une précision terrifiante, une finesse de joaillier dans le rendu d'un détail, alors qu'on saute par-dessus telles autres, comme sans les remarquer du tout, par exemple, par-dessus l'espace et le temps. Les rêves, semble-t-il, sont mus, non pas par la raison mais le désir, non par la tête mais par le coeur, et néanmoins, parfois, ma raison peut me jouer en rêve de ces tours tellement rusés !

Mon frère, par exemple, est mort il y a cinq ans et parfois, je le vois en rêve : il prend une part active à mes affaires, nous sommes tous les deux très passionnés, et néanmoins, moi-même, pendant toute la durée du rêve, je sais, je me rappelle parfaitement que mon frère est mort et enterré. Comment donc puis-je ne pas m'étonner de ce que, tout mort qu'il peut être, il soit quand même à mes côtés et s'agite avec moi ? Pourquoi ma raison peut-elle parfaitement admettre cela ?

Mais j'en viens à ce rêve que je voulais vous raconter ; oui, à ce rêve qui m'est venu, ce fameux rêve du trois novembre. Mais était-ce bien un rêve? En tout cas si c'était un rêve, à mon réveil, il m'a annoncé une vie nouvelle, grandiose, puissante, renouvelée: toute une vie avec vous.

En rêve, il vous arrive de tomber d'une hauteur, ou bien on vous égorge, ou l'on vous bat, mais vous ne sentez jamais de douleur, sauf si réellement, vous-même, d'une façon ou d'une autre, vous vous cognez dans votre lit, auquel cas, vous sentirez de la douleur et cette douleur, presque toujours, vous réveillera.

Dans mes rêves, autour de moi, on marche, on crie, j'entends la basse du capitaine, les glapissements de la logeuse - et puis, d'un coup, une autre interruption, et me voici mort et déjà porté dans un cercueil fermé. Je sens alors le tangage du cercueil. Je ne vois pas et je ne bouge pas, et néanmoins, je sens et je réfléchis! Bizarrement, je m'habitue très vite à cet état de fait. Très normalement, j'accepte cette réalité sans discussion. Puis voilà qu'on m'enfouit dans la terre. Tout le monde s'en va, je reste seul, complètement seul. Je ne bouge pas. Avant, dans la vie, quand je me représentais qu'on m'enterrait, je n'associais à la tombe qu'une seule sensation, celle du froid et de l'humidité. C'est pareil ici, je sens que j'ai très froid, surtout au bout de mes orteils, mais je ne sens rien d'autre. Je suis allongé et je n'attends rien, admettant sans discussion qu'un mort n'a rien à attendre. Puis voilà tout à coup qu'une goutte d'eau s'infiltre dans mon cercueil et vient tomber sur ma paupière gauche fermée, suivie, une minute plus tard, par une autre, puis, une minute plus tard encore, par une troisième, et ainsi de suite, toujours à un intervalle d'une minute. La goutte, tombe toujours, minute après minute, toujours sur mon oeil fermé. Et voilà que, d'un coup, mon cercueil s'ouvre. Et au lieu d'apercevoir une espèce de créature sombre que je ne connais pas, et qui m'emmènerait dans l'espace obscur, mes yeux s'ouvrent sur vous, et l'instant d'après nous volons dans la nuit profonde et déjà loin de la terre.
Etrange et merveilleux n'est-il pas?

Pour l'instant, chez le capitaine, tout a commencé à se calmer : ils en ont fini avec leurs cartes. Ils s'installent pour dormir, et, en attendant, ils se contentent de grogner et finissent, sans conviction, de s'injurier.

Sans vous Aurore, je deviens du rien, du rien total. Pour moi, maintenant, c'est presque une certitude. Je me représente clairement que la vie et le monde sont pour moi comme dépendants de vous. On peut même dire que, maintenant, le monde ne me semble fait que comme pour nous seuls.

Ma bougie fond Aurore, et c'est à la lueur d'une flamme maintenant vacillante que je terminerai cette lettre.

En vous imaginant à la lire, une sensation douce, appelante, retentit dans mon âme comme une extase. C'est la force d'une lumière originelle, de cette lumière qui m'a mis au monde, et qui se répand dans mon coeur et le ressuscite.

Je vous aime Aurore, et je ne pourrai jamais aimer que cette femme qui habite désormais mon coeur, cette femme sur laquelle j'ai laissé comme des éclaboussures de mon sang, cette femme que jamais, jamais, je ne cesserai d'aimer, car je le sais trop bien maintenant, surtout depuis ce rêve que j'ai fait le 3 novembre dernier : je vous aime Aurore, et pour l'éternité.

A cette petite étoile qui brille comme un éclat d'émeraude dans mon ciel bien noir,

Fédor Dostoïevsky-Kham
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   Posté le 21-02-2005 à 21:46:24   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Cher Frédor,

Il a de nouveau neigé cette nuit, le vent souffle, les chemins sont devenus impraticables, le froid me transperce jusqu'aux os malgré mes gros bas de laine et mon manteau.

Je viens de terminer votre lettre, et je reste là, noyée dans mes pensées.
Je songe à votre rêve...
Ne dit-on pas à propos des cercueils, que s'y voir couché est signe de longue maladie ?
Peut-être qu'à son ouverture, quand vous me voyez, je suis là pour vous aider ?
Tant de questions me trottent dans la tête...
Je vous imagine dans cette chambre sombre et austère cherchant la faible lueur du jour au travers de la lucarne.

J'ouvre au ciel mon coeur blessé pour l'amour de vos yeux pleins de rêves.
Je cueille l'espoir tremblant du printemps tout proche, le soleil se lève sur le jardin de mes vingt ans, et avant que les plaisirs se meurent vous prenez la fleur qui enchante vos songes les plus doux.

La distance entre-nous est cruelle, je vendrais tout ce que je possède pour me trouver à vos côtés.
J'éloignerais les mauvais présages, je serais votre inspiration, vos écrits et mes quelques ressources nous permettraient de vivre décemment.

Un mot de votre part, et je viendrai jusqu'à vous. Je ne puis supporter plus longtemps de vous savoir si malheureux.

Votre Aurore

Message édité le 21-02-2005 à 21:54:46 par Meluzine
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   Posté le 22-02-2005 à 20:59:32   

BRAVO , kham et Mélu, vous écrivez à merveille. Bisous à tous les deux. Je suis en extase devant vos écrits.
Kham
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   Posté le 24-02-2005 à 16:20:11   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   



Sur la rive droite ombragée de la Petite Leyre, Argelouse est l'une des communes les moins peuplées des Landes. L'église rustique d'Argelouse du XVème siècle avec son pittoresque clocher-mur à campanile.



Chère Aurore,

Je viens de m’arrêter et de m’asseoir sur un banc en dehors de la ville, afin d’écrire sans attirer l'attention. Ici, enfin, je peux fermer les yeux au souffle de la terre endormie, herbeuse.

Des feuilles de platane sont collées au banc trempé de pluie. Parfois un ouvrier à bicyclette passe devant moi, ou une carriole ; la boue jaillie m’oblige à me lever et à me tapir contre un mur, mais qu'importe? je retrouve ici, dans l’odeur du soir, le parfum de la vie qui m’est rendue enfin.

Beaucoup diront que mon Aurore n'existe pas. Mais je sais, moi, que vous existez, moi qui, depuis des mois vous épie et souvent vous démasque.

J’imagine à peine qu'elle aurait pu être ma vie sans vous, une vie effacée, anéantie sans votre présence, une vie de ténèbres où mes lèvres se seraient penchées et auraient chercher comme de l’eau dans une forêt immense et endormie.

Je vois en esprit la maison perdue où vous m'attendez; j’imagine la tiédeur de votre chambre où règne un silence solennel ; le premier regard de nos échanges, puis notre nuit, et le lendemain, et le jour qui suivra, puis les semaines…

Il me semble que je n'atteindrai jamais Argelouse Aurore; oui, peut-être ne l'atteindrai-je jamais, condamné à la solitude éternelle. Le ciel, au-dessus de moi, qui se fraye difficilement un lit encombré de branches, semble me l’annoncer, ainsi que les cimes des premiers pins qui se rejoignent et, qui sous cet arc, s'enfoncent vers une route sombre et mystérieuse.

Mon charme, que le monde naguère disait irrésistible, tous ces êtres le possèdent dont le visage trahit un tourment secret. Je suis libre... bien sûr, que souhaiter de plus, sinon me livrer à vous jusqu'au fond ? Ne rien laisser dans l'ombre ! voilà mon salut : que tout ce qui était caché apparaisse dans la lumière, et dès ce soir. Cette résolution me comble de joie. Il me suffit d'avoir résolu de tout vous dire pour déjà connaître, en effet, une sorte de desserrement délicieux.

Les êtres les plus purs ignorent à quoi ils sont mêlés chaque jour, chaque nuit, et ce qui germe d'empoisonné sous leurs pas d'enfants.

Par ces mots, mon enfance me revient : de la neige à la source du fleuve le plus sali. A l’école, j’ai paru vivre indifférent et comme absent des menues tragédies qui déchiraient mes compagnons. Etais-je heureux ? Etais-je candide ? Tout ce qui précède mon adolescence prend certes dans mon souvenir cet aspect de pureté ; contraste, sans doute, avec cette ineffaçable salissure des jours de l’âge adulte.

Mon enfance m'apparaît comme un paradis. Alors je n'en avais pas conscience. Comment aurais-je pu savoir que dans ces années d'avant la vie, je vivais ma vraie vie ? Pur, je l'étais : un ange, oui ! Mais un ange plein de passions. Incroyable vérité que dans ces aubes toutes pures de ma vie, les pires orages étaient déjà suspendus, matinées trop bleues : mauvais signe pour le temps de l'après-midi et du soir qui annoncent les parterres saccagés, les branches rompues et toute cette boue…

Je n'ai pas réfléchi, n'ai rien prémédité à aucun moment de ma vie ; nul tournant brusque : j’ai descendu une pente insensible, lentement d'abord, puis plus vite. L’homme perdu de ce soir, c'est bien le jeune être radieux que je fus durant les étés de ce pays où me voici revenu, furtif, et poursuivi par la nuit.

Ah, quelle fatigue ! Mais à quoi bon découvrir les ressorts secrets de ce qui est accompli ?

Que vous dirai-je encore ? Par quel autre aveu commencer ? Des paroles suffiraient-elles à contenir cet enchaînement confus de désirs, de résolutions, d'actes imprévisibles ?

Aimer est-il un crime ? Comment font-ils, tous ceux qui connaissent leurs crimes ? Moi, je n'ai pas voulu celui dont on me charge, celui de vous aimer. Et je n'ai jamais su vers quoi tendait cette puissance forcenée en moi et hors de moi : ce qu'elle détruisait sur sa route. J'en suis moi-même terrifié.

Que les ténèbres se forment vite alentour. Je vais déjà devoir vous quitter Aurore.

Peut-être mourrai-je ce soir de honte ; d'angoisse, de remords, de fatigue, mais je ne mourrai pas d'ennui, trop content d’avoir eu l’audace de vous avouer par cette lettre mes sentiments les plus impétueux.

Je vous embrasse,

François Mauriac-Kham
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   Posté le 25-02-2005 à 11:31:17   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Bien cher François,

Aujourd'hui, j'existe bel et bien, vous avez osé lever le voile qui m'entourait depuis toujours.
Toutes ces années, je me suis tenue à l'écart des autres, je me cachais derrière une timidité maladive qui finissait par m'étouffer.
Je vous observe sans paraître vous voir, pour éviter d'éveiller votre désir.

Je pensais que jamais vous ne me remarqueriez.
Me voici prise au dépourvu, m'interdisant d'imaginer que vous finiriez par m'avouer votre flamme.
J'ai du mal à contenir ma joie, j'ai hâte que vous lisiez ma lettre.
Pourtant, j'attendrai quelques jours avant de vous la faire parvenir.

Je demeure à l'écart d'Argelouse, et personne ne s'aventure sur le chemin de ma maison...
J'espère de tout coeur votre visite prochaine. Vous serez accueilli chaleureusement mais en toute simplicité.

Je ferme les yeux... les flammes illuminent la pièce basse, nous nous tenons à proximité de l'âtre...
Une douce chaleur nous envahit, rien ne bouge dehors, c'est la nuit !
Vous songez à mille choses mais vous ne pouvez passer à l'acte, je suis bien trop sage, vous risqueriez de m'offenser.
Plutôt que de me perdre, vous préférez vous tenir à bonne distance.
Les heures passent, je viens de m'assoupir, épuisée par tant de retenue.
Votre main s'approche de mes cheveux et vos lèvres effleurent ma joue…

Veuillez me pardonner François, ces pensées m'égarent et je me dois de rester moi-même si je veux respecter mon voeu de chasteté.
J'ai bien peur que vos mots insensés ne me fassent tourner la tête.
Ayez pitié de moi, je m'en remets entièrement à vous.
Je prends la liberté de vous avouer mes sentiments : oui, je vous aime, et ce, depuis longtemps, en secret.

Avec toute ma tendresse,

Aurore
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Kham
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   Posté le 26-02-2005 à 10:37:59   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   


Le Pas du Redortier



Ma chère Aurore,

Les routes ici font prudemment le tour du Haut Pays. Certaines maisons sont à dix ou vingt kilomètres l'une de l'autre et trente ou quarante kilomètres séparent les villages qui restent soigneusement sur les pourtours où passe la route. Seules quatre ou cinq nouvelles maisons ont pris leurs aises sur le flanc du coteau, se sont alignées au bord de la route, ont choisi les ombres au bord d'un ruisseau. Toutes ont fait leur jardin.

Pour peu qu'on ait l'âme jeune, rien n'est plus facile que d'aller de Villesèche au Pas de Redortier en plein jour, c'est l'affaire d'une petite heure. Le paysage n'est pas encourageant, mais c'est faisable et il n'y faut pour y aller qu'un peu de volonté, ou de passion… ou de bêtise. Mais un jour où les nuages sont bas et épais, que la nuit tombe, personne ne s'y risquera.

Comme je vous l’écrivais dernièrement je ne pourrai jamais retrouver le vrai visage de ma terre: cet oeil pur des enfants, je ne l'ai plus. Ce beau sein rond devant mes yeux est bien une colline, mais sa vieille terre ne porte plus que des vergers sombres. Parfois, un aigle roux descend encore des Alpes, mais l'air des plaines proches ne le porte plus; il nage à grands coups d'aile et il crie comme moi, comme un oiseau naufragé.

Les gens d’ici s'aident de leurs ennemis, s'appuient sur leurs adversaires. Les rivages de l'univers sont très loin du point où leur pensée peut atteindre. Traire la chèvre, semer le blé, labourer la terre, faire paître le troupeau, dessoucher, faucher, engranger, manger, transformer sans cesse la matière en matière, voilà bien la vie de tout leur univers.

Ces hommes lourds dans des velours, ces femmes sèches ou grasses comme pain au lait, je les croise de temps en temps, mais je m’en détourne le plus souvent. Ces femmes n'ont pas de forme; ce sont des paquets d'étoffes médiocres. Quant aux jeunes filles, tant qu'elles sont vierges, elles ont une beauté de fruit, puis cette beauté éclate et on la voit en éclat dans les enfants. Il ne reste vraiment rien de leur premier état : certaines Vénus deviennent des monstres effrayants, elles ont presque toutes des bouches du XVIIe siècle, édentées ou pire encore, avec quelques grandes dents déchaussées qu'elles sucent. C'est assez abominable.

Le ciel ici est souvent bien noir, ou alors bleu marine sombre, mais l'impression qu'on en reçoit est celle qu'on recevrait du noir; sauf à l'époque où fleurit un réséda sauvage dont l'odeur fine est si joyeuse qu'elle dissipe toute mélancolie. Les crépuscules sont plus souvent verts que rouges, ils durent très longtemps; si longtemps qu'on est obligé à la fin de s'apercevoir que la nuit est tombée et que la lueur vient maintenant des étoiles. Ici, elles éclairent; elles suffisent pour qu'on se reconnaisse dans un chemin. On en voit peut-être plus qu'ailleurs; ce qui est sûr, toutefois, c'est qu'elles sont plus grosses, l'air y étant pour quelque chose, soit que sa pureté, qui est extrême, mette à vif les constellations, soit, ce que certains prétendent, qu'il contienne une matière faisant office de loupe.

Heureusement, jamais la saison n'a été plus belle. Ma fenêtre d'ouest est pleine à ras bord des dorures étincelantes de feuillages à travers lesquels transparaît le bleu du ciel, plus bleu que l'eau sur les grands fonds.

Les légendes dans cette région aride vous submergent, les dieux vous entourent, les jurons entendus s'adressent aux quatre éléments et les bagarres sont toutes franchement engagées avec dieu. Il n'y a ni subtilité, ni dialectique. C'est le combat régulier un contre quatre. D'un côté l'air, le feu, l'eau et la terre, de l'autre le cinquième élément, l'homme; et les règles du combat sont écrites dans un contrat vieux de cent mille siècles.

Un vent léger descend maintenant sur la plaine Aurore. Il est vraisemblablement temps que j’arrête de vous encombrer de mes paroles. Loin de vous, j’aimerais ne plus subir l'emprise de personnages jaillis de l'ombre. Mais comment faire ? Comment les chasser, comment les vaincre ?

Je vais tenter peut-être d’entreprendre un autre voyage; un voyage dans le but catégorique de me séparer d'ici. Peut-être ce voyage m’emmènera-t-il un jour vers vous ? En tout cas j’ose l’espérer.

A bientôt peut-être,

Jean Giono-Kham
Meluzine
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Meluzine
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   Posté le 27-02-2005 à 00:44:31   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Cher ami,

J’ai apprécié chacune de vos lettres, et de tous les personnages que vous avez choisis, il m’a semblé reconnaître quelques unes de vos nombreuses facettes.
Vous semblez bien étrange, si lointain, et si proche à la fois que je ne peux m’empêcher de penser à vous.

Je vous imagine assis devant votre bureau, dans la pénombre, votre chat sur les genoux.
Votre esprit vagabond, vous songez à la promenade du printemps prochain.
Vous allez rencontrer celle que vous appelez « Aurore », mais qui ne porte pas ce prénom.

Qui est-elle ? Est-ce la femme de vos rêves ? En seriez-vous tombé amoureux ?
Elle paraît prendre de la place dans votre cœur, pourtant vous gardez vos distances.
Vous devez certainement avoir de bonnes raisons de rester en retrait.
Quand on a vécu des années dans la solitude, il est parfois difficile de changer ses habitudes.
Cette soif de liberté et vos expériences passées vous ont rendu méfiant.

A vous lire, cette personne ne vous est pas indifférente, elle fait déjà partie de votre vie.
Elle vous a séduit dès ses premiers mots. Sa fragilité vous a donné l’envie de la protéger.
Elle veut tout apprendre, qu’importe, vous serez son professeur !

Me voici redevenue Aurore quelques instants encore, le temps de parcourir la colline pour y respirer les herbes sauvages, écouter les cigales chanter, boire l’eau fraîche de la source, et fondre dans le paysage, le panier d’osier sous le bras…

A bientôt peut-être,

Aurore ?
Meluzine
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   Posté le 04-03-2005 à 23:56:39   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Je voudrais ouvrir une parenthèse pour vous parler d'Aurore.
Vous devez vous demander : Qui se cache derrière ce joli prénom ?
Moi qui la connais depuis toujours, je vais tenter de vous la décrire...

Elle est née un jour de mai, quand les lilas sont en pleine floraison.
Ses yeux ont la couleur du ciel, sa bouche un goût de miel, son visage est à demi caché par une longue chevelure aux reflets dorés.
Son regard semble lointain, elle ne voit personne, elle vit derrière un grand mur qu'elle a mit des années à construire.
Elle n'est pas bien grande, mais une chose est sûre, c'est que celui qui atteindra son cœur, sera le plus heureux des hommes.

Elle demeure à l'écart d'un petit village perdu au fond de la vallée, dans une maison faite de rondins de bois clair.
L'intérieur est dominé par une grosse cheminée de pierres devant laquelle il fait bon s'étendre quand les flammes dansent dans l'âtre.
Dans un coin sombre, on peut entendre le tic tac de la pendule qui sonne à toutes les heures.
Sur le coussin du vieux fauteuil à bascule, un chat noir dort paisiblement.
La table de chêne brut est ornée d'un napperon de dentelle où trône en son centre un bouquet de fleurs sauvages.
Les chaises à assise de paille sont soigneusement rangées dessous.
La lingère et le vaisselier ont aussi leur place.
De la cuisine provient les douces effluves d'une tarte aux pommes qu'il fera bon de déguster accompagnée d’une tasse de café.
La chambre est simple, avec sa garde-robe Louis-Philippe, sa commode, et le lit tapissé d'un gros édredon de plumes.
Une porte dérobée donne l’accès au grenier…
Souvent, la nuit, on peut entendre le bruit d’un pas sur le plancher.
Il s’agit d’un vieux hibou qui aime se promener parmi les objets oubliés.

Dans un petit coffret de bois sculpté, sont rangées soigneusement les lettres destinées à Aurore. Elle espère en recevoir plein d’autres qui complèteront sa collection.
Alors, à vos plumes chers prétendants, la belle vous attend…


M-C
Meluzine
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   Posté le 08-03-2005 à 22:11:34   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mon tendre,

Je suis partie de Paris, dans le dessein de me retirer ici du monde et du bruit jusqu’à la fin du mois.
Je prétends être en solitude, je veux y prier Dieu, y faire mille réflexions.
J’ai l’intention d’y jeûner beaucoup pour toutes sortes de raisons ; marcher pour tout le temps que j’ai été dans ma chambre, et penser à vous.
Je n’ai pas encore cessé depuis que je suis arrivée, et ne pouvant contenir tous mes sentiments sur votre sujet, je me suis mise à vous écrire au bout de cette petite allée sombre que vous aimez, assise sur ce siège de mousse où je vous ai vu quelquefois couché.

Mais mon Dieu, où ne vous ais-je pas vu ici ? Et de quelle façon toutes ces pensées me traversent-elles le cœur ?
Il n’y a point d’endroit, point de lieu, ni dans la maison, ni dans l’église, ni dans ce pays, ni dans ce jardin, où je ne vous ai vu ; il n’y en a point qui ne me fasse souvenir de quelque chose ; et de quelque façon que ce soit aussi, cela me perce le cœur.
Je vous vois, vous m’êtes présent ; je pense et je repense à tout ; ma tête et mon esprit se creusent ; mais j’ai beau tourner, j’ai beau chercher ; ce cher amant que j’aime avec tant de passion est à deux cents lieues, je ne l’ai plus.
Sur cela je pleure sans pouvoir m’en empêcher ; je n’en puis plus, mon cher : voilà qui est bien faible, mais pour moi, je ne sais point être forte contre une tendresse si juste et si naturelle.

Je ne sais en quelle disposition vous serez en lisant cette lettre. Le hasard peut faire qu’elle viendra mal à propos, et qu’elle ne sera peut-être pas lue de la manière qu’elle est écrite.
A cela je n’ai pas de remède ; elle sert toujours à me soulager présentement ; c’est tout ce que je lui demande. L’état où ce lieu-ci m’a mise est une chose incroyable.
Je vous prie de ne pas parler de mes faiblesses ; mais vous devez les aimer et respecter mes larmes, qui viennent d’un cœur tout à vous.


Votre Aurore
Meluzine
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Meluzine
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   Posté le 20-03-2005 à 13:07:10   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Monsieur,

J'ai dans les yeux des larmes de tristesse…
Vous passez près de moi sans me voir et je n’ose vous aborder. Une dame de bonne éducation, ne doit pas s’adresser à un inconnu.
Au diable les convenances ! Je suis trop lasse d’attendre, j’ai décidé de laisser parler mon cœur. Vous conviendrez que je ne manque nullement d’audace mais la souffrance me fait délirer.
Je brûle d’amour pour vous, oui Monsieur, vous avez bien lu, c’est bien vous qui êtes concerné !
Un seul de vos regards me comblerait de plaisir, ma présence semble être ignorée de vous.
Je passe des heures entières, perdue dans mes pensées… J’en oublie de me nourrir, la vie n'a plus aucun intérêt, puisque pour vous, je n’existe pas.

Tout de blanc, je vais me vêtir et je marcherai à la nuit tombée en direction de votre château. Je suivrai le petit sentier qui traverse le bois de feuillus.
Les ténèbres ne me font pas peur, la lune pleine me guidera, je trouverai le chemin.

Je me suis réfugiée contre le tronc du vieux chêne centenaire, j’ai caressé son écorce, longuement.
Il avait plu. Des gouttes d’eau tombaient et coulaient sur ma peau. Mes mains étaient tachées de mousse, et mes pieds étaient glacés par toute cette humidité.
Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers de son feuillage, alors, je ne pus m’empêcher d’y poser les lèvres.

L’aube se lève. L’araignée a terminé sa toile. L’oiseau lisse ses plumes avec grand soin, avant de chanter.
La journée sera belle. Le soleil commence à poindre à l’horizon.

Lirez-vous ou non ma lettre ? Peut importe. J’ai osé aujourd’hui vous écrire, désormais, mon destin vous appartient.
Sachez que votre silence est douloureux, pourtant, je m’en accommoderai avec le temps…


Aurore
Kham
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   Posté le 22-03-2005 à 16:32:53   Voir le profil de Kham (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Kham   

Madame,

Si vous vous promenez la nuit toute de blanc vêtue, prenez garde qu'on ne vous prenne pour un fantôme !
Meluzine
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Meluzine
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   Posté le 22-03-2005 à 17:03:11   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mais Monsieur, j'y compte bien ! Bouhhhhhhhhhhhhh ! Je suis la Dame blanche...
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   Posté le 27-03-2005 à 14:58:28   

Attention qu'on ne vous mange! sourire!
Meluzine
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   Posté le 28-03-2005 à 10:26:10   Voir le profil de Meluzine (Offline)   Répondre à ce message   http://users.skynet.be/mcl/   Envoyer un message privé à Meluzine   

Mais je ne suis pas comestible!
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